Saikou Yaya Barry (UFR): Si ça ne tenait qu’à moi, je parle en mon nom personnel, ces élections sont à annuler purement et simplement (Ecoutez l’interview)
Saikou Yaya Barry, membre du bureau exécutif national de l’UFR, député à l’assemblée nationale était l’invité de Africamidi, dans son émission Savoir & Comprendre. Il était question de faire le point sur les élections locales du 4 fevrier 2018 en république de Guinée
Lisez ci-dessous l’interview en texte et trouvez vers la fin le podcast de l’émission à écouter
Etes-vous satisfait de des élections locales?
Saikou Yaya Barry: Tout homme politique sensé sait que ces élections ne sont pas satisfaisantes. Parce qu’elles sont émaillées d’irrégularités, et cela dénote du manque du sérieux dans ce que nous voulons faire pour notre pays. Aller jusqu’à truquer les élections à la base(…). Cela m’inquiété dans mon pays.
Est-ce qu’on peut toucher du doigt quelques éléments importants des problèmes de ces élections?
Je peux vous camper ça à quatre niveaux.
Le premier niveau, c’est le processus électoral. C’est lié au matériel qui consiste à faire les élections. Notamment les bulletins de vote, les procès verbaux, les cartes d’électeurs. A ce niveau-là, il y a eu une défaillance totale.
Nous avons été informés, et ç’a été vérifié, que les bulletins ont été édités plus que ce qui devait être édité. Nous avons obtenu des bulletins pré-cochés qui se retrouvent dans les mains des responsables administratifs en faveur du pouvoir en place. Ce qui a dénoté (par exemple) la réaction de la population Kolabounyi. Parce qu’on s’apprêtait à donner des bulletins pré-cochés à des familles et on tombait dans une famille UFR. Et ç’a créé des problèmes. Vous avez peut-être entendu parler du soulèvement des populations de Kolabounyi. Le sous-préfet a été chassé.
Le deuxième problème, c’est au niveau des cartes d’électeurs. La distribution des cartes d’électeurs a été totalement laissée dans les mains de l’administration, notamment des chefs de quartiers qui relèvent directement des préfets ou des sous-préfets. Vous pouvez voir quelqu’un récupérer 200 cartes d’électeurs. Ca dénote le faible taux de participation dans ces élections. Beaucoup n’ont pas pu récupérer leurs cartes d’électeur. L’autre facteur, c’est les procurations. Des procurations ont été éditées et données aux préfets, aux sous-préfets, aux gouverneurs et les chefs de quartier de Conakry. Et, c’est les chefs de quartier qui signaient les procurations. Alors vous rendez-compte! Les gens partaient avec les cartes d’électeur qu’ils ont récupérées au moment de la distribution pour aller eux-même voter au compte d’un seul parti… A ce niveau ç’a été un fiasco.
L’implication de l’administration à ce niveau n’est pas négliger totalement. Nous avons vu la CENI laisser l’administration du territoire faire son travail à lui. Vous verrez des cadres de l’administration se déplacer d’une ville, d’un bureau de vote à un autre pour dire qu’ils doivent voter. C’est le cas de Kindia, où il y a eu beaucoup de ministres qui votent, alors que dans ces élections locales, le code électoral est clair. Tu ne peux avoir la possibilité de voter dans un bureau de vote que si tu es inscrit dans la circonscription. Je prends l’exemple sur Kindia. Si tu es inscrit, ne serait-ce qu’à Kindia-centre ou dans une des sous-préfectures, tu peux voter dans la ville comme tu peux voter dans l’une des sous-préfectures. Mais si tu es inscrit à Conakry, tu n’as aucune possibilité d’aller voter à Kindia, pour ces élections locales. Donc, ça aussi ç’a été un jeu qui a été néfaste pour ces élections.
La dernière chose la plus grave, c’est ceux qui sont chargés de la sécurisation du vote, l’unité spéciale chargée des élections locales. Cette unité s’est comportée en militants. On leur a confectionné des tee-short, mais ils en ont donné à des militants qui se comportaient de USEL et qui subtilisaient les PV des bureaux de vote pour en remplacer par d’autres à la centralisation. C’est ce qui a amené la grande mobilisation, la tension qui est montée à Matam. De ce qui est arrivé en matière d’élections en Guinée, ce n’est pas une élection. Mais ce qui est dommage, c’est d’apprendre les fils de ce pays à magouiller, à tricher, à être anormal, à être roublard; ça c’est dangereux pour son avenir.
Ces magouilles sont au profit de quel parti politique?
Mais, à l’administration, au RPG; on ne peut pas en douter. Au fait, il y a des zélés, pour garder leurs postes de responsabilité, il faudrait qu’ils fassent des résultats positifs, de fois même sans ordre spécifique du parti ou du pouvoir en place. Il faut qu’ils montrent qu’ils sont aussi zélés pour être là.
J’avais même oublié de vous parler d’autres choses, c’est les magistrats. Y en a plein de magistrats qui se sont comportés comme des militants. Le cas de Matam en fait foi, où le magistrat a décidé à lui seul de mettre 80 et quelques bureaux de vote au profit des PV remplacés arrivés au niveau de la centralisation. C’est quelque chose d’extraordinaire. Les résultats de Dalaba en font foi. Il y a eu des cas où le juge donne raison, après il se rétracte et donne une autre raison. Nous avons un problème sérieux. Nous avons terreaux grave, les Guinéens…
Est-ce la pire des dernières élections?
Ecoutez, toutes les élections ont eu des problèmes. Nous avons revendiqué, changé la CENI, revendiqué, changé la CENI,… C’est des hommes qu’on mis là, mais malheureusement, à chaque fois c’est le pire qui arrive. C’est pourquoi, je suis perdu. Parce que là encore c’est plus grave. Il y avait un peu de morale par le passé; même s’il y a eu plus, on reconnait que c’est grave. Mais là encore c’est pire…
Quelle serait la solution?
Je n’ai pas la solution magique. Sauf si les Guinéens acceptent de comprendre qu’aujourd’hui ils sont là, mais demain, ils vont quitter. Et que c’est d’autres qui vont arriver. Ce qu’ils font aujourd’hui peut retomber sur eux. Je prends l’exemple sur le PUP. Ceux qui faisaient ça, mais où ils sont aujourd’hui? Qu’est-ce qu’ils sont devenus? Est-ce qu’ils sont devenus plus riches?
Est-ce qu’il fallait annuler ces élections? Certains l’ont demandé
Si ça ne tenait qu’à moi, je parle en mon nom personnel, ces élections sont à annuler purement et simplement
Est-ce qu’il ne faudrait pas avoir une CENI technique, avec des gens compétents?
Voilà une solution. Ce qui me ronge. C’est que j’ai fait une formation avec l’actuel président de la Ceni au Ghana. On était là bas ensemble en 2011. On nous a appris les principes et les pratiques dans les pays anglophones. Je crois que c’est a méthode la plus judicieuse. Ce qu’il nous faut en Guinée aujourd’hui, c’est qu’il nous faut une CENI technique, comme vous le dites, par appel à candidature, le responsable de la CENI. Mais aussi, faire en sorte que les démembrements soient des démembrements pérennes…
L’émission Savoir & Comprendre, c’est chaque samedi à 21h en France (20h TU) avec Ibrahima Ahmed Bah
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