« La Mauritanie ne peut pas continuer à vivre dans l’ignominie de l’esclavage,… », la lettre adressée à Macron, qui s’apprête à visiter la Mauritanie
A Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République française
s/c de
Monsieur l’Ambassadeur de France en Mauritanie
Excellence,
Soyez le bienvenu chez nous. La Mauritanie que vous allez visiter dans le cadre du G5-Sahel, est un pays dans lequel sévit un ‘’Apartheid déguisé ‘’, non codifié comme il le fut en Afrique du sud. ’’ Être Noir en Mauritanie est un délit, sans que cela ne soit écrit nulle part’’ disait un observateur du CRAN. Des lois non écrites confinent, en effet, l’homme noir mauritanien au mieux, au rang de citoyen de seconde zone, au pire, en victime du déni d’humanité à travers l’esclavage.
L’exclusion, voire la négation, de l’Homme noir mauritanien a débuté dès les années 1960. Elle va se prolonger, s’aggraver au fil des années, pour culminer avec les régimes militaires .Entre 1986 et 1991, la communauté négro-africaine de Mauritanie subira déportations et maltraitances dans ses composantes Peuls, Soninkés et Wolof ; 120.000 âmes se verront déportées au Sénégal et Mali en 1989 , selon les chiffres du HCR ; des centaines de leurs villages seront détruits ou réoccupés le long de la vallée du fleuve Sénégal qui fut, part ailleurs, le théâtre d’exactions et d’exécutions extrajudiciaires massives . En 1990, l’Etat mauritanien intensifie l’exclusion et entreprend de dénégrifier l’armée nationale, épurée de 3500 soldats et officiers négro-africains ; ces militaires sont quasiment tous arrêtés et jetés dans des camps mouroirs ou ils seront torturés, soumis aux traitements les plus dégradants. Plus de 500 mourront, ensevelis dans des fosses communes qui vont essaimer les camps militaires du pays et la vallée du fleuve ; fosses communes qui n’ont pas fini de livrer leurs secrets, dont la dernière révélée à Benamira (2018) dans le Nord du pays, où 28 corps ligotés furent découverts en mars dernier par des chercheurs d’or, soit 28 ans après les faits, mais que le gouvernement mauritanien de Abdel Aziz s’évertua à cacher ou couvrir, refusant toute investigation…
Le 28 Novembre 1990,- fête de notre indépendance nationale – 28 soldats Negro- africains sont sacrifiés, pendus en guise de solidarité avec l’Irak arabe, ‘’victime de l’agression des USA’’. Le reste des militaires négro-africain ayant échappé à la mort est radié de l’armée. Les auteurs de ces crimes et exactions courent toujours, circulent librement, occupant même, pour certains, de hautes fonctions de l’Etat à nos jours, protégés par une loi d’amnistie inique et scélérate, votée en 1993 qui consacre l’impunité dans le pays. Pendant ces années de plomb la population négro-africaine, la composante Peule en particulier, va subir un véritable génocide exécuté par l’Armée, à l’image de ce qui se passe actuellement au Mali et au Burkina, mais beaucoup plus important par l’ampleur…Au Mali et au Burkina les populations peuls subissent exactions, tortures, exécutions sommaires massives, sous prétexte de lutte contre les jihadistes ! Qu’ils aillent donc cueillir ces jihadistes que sont I ag Aly, Amadou kouffa ! Toute la communauté peule de ces deux pays est stigmatisée, violentée sous l’œil de la France. Comme hier, en 1990, nos voisins et le gouvernement de Mitterrand laissèrent faire le colonel ould Taya …
Si les déportations massives et les exécutions extrajudiciaires se sont arrêtées après cette période sombre de l’histoire de la Mauritanie indépendante, l’épuration ethnique, quant à elle, n’a jamais cessé ; elle a pris, depuis, des formes plus sournoises… Le Pouvoir de Ould Abdel Aziz a entrepris en 2011 une opération d’enrôlement qui vise- officiellement- à doter les Mauritaniens de papiers d’état-civil biométriques et sécurisés, mais qui, en réalité, s’est révélée, dans son exécution, être a caractère raciste et discriminatoire à l’égard des Noirs mauritaniens pour lesquels l’obtention des nouveaux documents relève du parcours du combattant pour les plus chanceux. Des milliers de Noirs sont ainsi devenus apatrides dans leur propre pays faute d’état-civil. Des familles sont divisées, l’époux se voit enrôlé pendant que l’épouse est rejetée, sans épargner les enfants ; des élèves en cours e scolarité sont contraints d’abandonner l’école, faute d’acte de naissance …Les commissions techniques et le comité de supervision et de contrôle chargés de cet enrôlement sont quasiment monoethniques, alors que la population mauritanienne est pluriethnique.
Les hauts postes de l’Etat et de l’administration, l’appareil judiciaire, nos forces de défense et de sécurité, nos médias audiovisuels publics et privés, le secteur économique, les grandes Ecoles du pays, tous ces secteurs de la vie nationale, en un mot , sont presque exclusivement aux mains d’une seule composante nationale – la communauté blanche, arabo-berbere- , par choix politique délibéré de nos gouvernants…Le régime, nouveau, du président ould GHazouani n’a pas daigné changé cette situation, qu’il s’attèle, dirons-nous, visiblement, à perpétuer dans une sorte de continuité du Système .
L’esclavage demeure une réalité dans le pays aussi bien sous sa forme traditionnelle que sous celle qu’il est convenu d’appeler moderne, et les victimes sont en général toujours les mêmes : la composante harratine. On prend à cet égard des lois qui ne sont jamais en réalité appliquées.
Excellence,
Il n’est pas besoin de se munir d’une loupe pour se rendre compte de la réalité de ‘’l’Apartheid déguisé ’’ en Mauritanie. Il vous suffira de regarder autour de vous… Observez bien vos interlocuteurs, prêtez attention également à ceux qui vous servent dans les hôtels , dans les salles de réunion ( serveurs, femmes de ménage, chargés de l’accueil etc. ), suivez nos télévisions pour quelques minutes, demandez à visiter nos marchés , nos administrations , nos écoles , notre Armée ‘’nationale’’, observez la rue mauritanienne et vous serez édifiés sur l’image, tronquée, que beaucoup d’Africains et d’Européens se font de la Mauritanie et que le gouvernement mauritanien s’efforce de vendre. Vous verrez alors le racisme d’Etat se déployer dans toute sa laideur sous vos yeux …
Excellence,
La Mauritanie ne peut pas continuer à vivre dans l’ignominie de l’esclavage, de l’exclusion et de la discrimination sur des bases raciales, ethniques et tribales et continuer à travailler avec les autres nations libres du monde comme si de rien n’était! L’Apartheid avait combattu par le monde libre en son temps, vous ne pouvez faire profil bas sur qui se passe chez nous. Il y va de la crédibilité de votre institution(G5), il y va du respect de la dignité humaine, il y va de la paix et de la stabilité de la sous-région et du continent… car cette situation est pour le moins porteuse de lendemains incertains, dangereux pour tous…
S’il vous plaît agissez Président Macron
Nouakchott le 29 juin- 2020
Pour les organisations membres,
Le Président Alassane Dia
Organisations membres :
AJD/MR
Dekaalem
FPC
PLEJ
TPMN