“Depuis quelques années nous subissons énormément d’assauts des personnalités proches du chef de l’Etat notamment son ami Boloré”

La radio Africa Midi a reçu samedi Mohamed Mara, journaliste à Espace Fm Guinée.

La récente suspension de Espace Fm et la pression qui pèse sur les médias et les journalistes sont parmi les questions abordées.

Ce qui suit est une partie de l’émission. Vous trouverez à la fin du texte le fichier pour écouter toute l’émission

Mohamed Mara:

Depuis quelques années nous subissons énormément d’assauts de la part des pouvoirs publics, de la part des personnalités proches du chef de l’Etat, notamment son ami Boloré qui, aujourd’hui, détient le groupe Canal Plus.

Il vous souviendra que durant l’année 2016, le groupe Boloré à travers CanalSat avait perdu plus de 452.000 abonnés. Donc, Canal Plus, à travers Boloré, a tenté de racheter notre chaîne de télévision(Espace TV). D’ailleurs son lancement sur satellite était prévu pour le 2 mars 2016. Quatre jours avant, c’est Mr Boloré en personne qui va adresser un mail à ses services pour interrompre le process. Mon patron, Lamine Guirassi, a été demandé en France. L’argent qui avait été déboursé par notre médias a été intégralement remboursé. On lui a signifié que ce sont des ordres reçus des pouvoirs politiques guinéens.

A l’époque, moi-même j’avais tenté d’établir une médiation pour rapprocher les points de vue entre mon patron, d’une part, et la présidente de la Haute Autorité de la Communication, d’autre part, qui avait nié les faits et disait que c’est le chef de l’Etat qui avait donné cet ordre-là, ce n’était pas elle.

Un peu plus loin, notre invité, Mohamed Mara, évoque l’ancien ministre Makanera :

L’ancien ministre de la communication, Alhousseine Makanera Kaké nous a expliqué, à l’époque, comment des pressions ont été mises sur lui par le ministre porte-parole actuel du gouvernement. Donc, c’est un peu l’histoire avec Boloré. Mais depuis il y a eu énormément d’assauts. Des sommes faramineuses ont été proposées à mon patron pour reprendre cette chaîne de télé. Mais, vous savez c’est une télé animée essentiellement par des jeunes.

A la question: on voulait acheter Espace TV, mais vous ne vouliez pas vendre votre médias? 

Sa  réponse est catégorique:

Mais pas du tout. Mon patron ne voulait pas. Il était davantage ouvert à une cession de quelques actions pour des personnes intéressées, mais il n’était pas du tout prêt à lâcher son médias qui est aujourd’hui un symbole des luttes démocratiques dans notre pays, surtout à travers cette émission les grandes gueules.

Ca, c’était simplement pour faire comprendre dans quelle atmosphère nous baignons.

Depuis, on a perdu un journaliste qui a miraculeusement disparu. Jamais la lumière n’a été faite. On ne sait pas s’il est vivant ou pas. A un moment donné, le gouvernement nous a laissé entendre que son corps a été retrouvé ici à Conakry, alors que le sac à dos de mon confrère a été retrouvé à plus d’une centaine de km à Koba. On ne comprenait pas grand-chose. Nous avons demandé une autopsie, des analyses ADN sur la dépouille qui avait été retrouvée. Ce que le gouvernement se refuse à faire jusqu’à aujourd’hui.

Ensuite, dans la nuit du 30 au 31 décembre 2015, c’est le DG d’Espace TV, celui pour lequel aujourd’hui nous avons été crucifiés, Moussa Moise Sylla, qui a reçu à son domicile des bandits venus lourdement armés qui ont tenté de l’abattre. L’affaire a défrayé la chronique à Conakry. La police a réussi à mettre la main sur l’un des malfrats. Jusqu’à l’heure où je vous parle il n’a jamais été jugé. Le monsieur a dit clairement à la police que si jamais il parlait des têtes allaient tomber.

Moi-même qui vous parle, pas plus tard qu’hier j’ai reçu des menaces de mort. J’ai interpellé la gendarmerie et dans la soirée on m’a appelé pour me faire comprendre que l’une des personnes qui m’ont menacé avait été retrouvée et identifiée, seulement, curieusement la gendarmerie me demande  d’accepter de rencontrer le jeune homme pour faire la paix. Parce que tout simplement, j’ai découvert que c’est un jeune très proche du parti présidentiel. Et ce sont ces jeunes-là qui appellent les journalistes, nous harcèlent.

Donc, la gendarmerie vous demande de rencontrer la personne qui vous a menacé?

Ce n’est pas la gendarmerie elle-même, mais un colonel de la gendarmerie à tire personnel qui me dit qu’il préfère que je fasse la paix avec le jeune homme qui est très effrayé aujourd’hui et qui serait même prêt à me dire qui sont ses commanditaires.

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